Running Man [Stephen King/Richard Bachman]
Il y a de ces livres qui vous font penser, quand vous les lisez : 'Mon dieu, je suis en train de lire une pépite.' Running Man est l'un de ceux la. Ce qui est génial, c'est que King dit avoir écrit ce roman en 72 h. Enfin bon, ne soyons pas jaloux. D'ailleurs, King possède juste à côté de ses deux maisons à Bangor, une petite maison-bibliothèque, uniquement consacrée aux livres. Cela laisse rêveur, non?
Quatrième de couverture :
Premier quart du XXIe siècle. La dictature s'est installée aux Etats-Unis. La télévision, arme suprême du nouveau pouvoir, règne sans partage sur le peuple. Une chaine unique diffuse une émission de jeux suivie par des millions de fans : c'est "La Grand Traque".
Ben Richards, un homme qui n'a plus rien à perdre décide de s'engager dans la compétition mortelle. Pendant trente jours il devra fuir les redoutables "chasseurs" lancés sur sa piste et activement aidés par une population encouragée à la délation. Tout les moyens sont bons pour éliminer Ben Richards.
Dans ce livre terrifiant, le maître incontesté du suspense, le grand écrivain américain Stephen King, alias Richard Bachman, nous fait vivre cette diabolique course contre la mort sans nous donner un instant de répit. Fascinant.
Mon avis :
Nous sommes en 2025. Dans un monde où les inégalités sociales sont décuplées et où le gouvernement se confond avec les médias, le tout forme ce qui est appelé 'Le Réseau'. Dans un monde ultra-pollué et ou l'accès aux soins est limité uniquement aux riches (Tiens..)
Dans un monde où la télévision est obligatoire (La Libertel) avec une chaine unique, diffusant majoritairement des jeux de télé réalité. Des jeux cruels. Les participants y touchent évidemment de l'argent. Le jeu majeur de la chaine est 'La Grande Traque', jeu dans lequel un homme doit survivre dans le pays pendant 30 jours. Avec à ses trousses, Les Chasseurs. Sorte de Gestapo gouvernementale avec un service de renseignement performant. Evidemment, la population reçoit des primes pour chaque information sur le candidat. Un homme contre tous, Ben Richards.
Les motivations de Ben Richards? Sauver sa fille, atteinte d'une grippe. Ce n'est rien me direz vous, mais lorsque les médicaments sont trop chers et inacessibles, la grippe peut dégénérer et entrainer la mort. Ben est chômeur. Sa femme fait des passes pour avoir un peu d'argent pour manger et quelques médicaments. Et ils sont loins d'être des cas isolés.
On est immédiatemment plongé dans l'histoire. On assiste d'abord à la sélection des candidats pour les différents jeux. Sélection draconienne et même si l'on sait que Ben sera retenu pour 'La Grande Traque', le processus de sélection est juste fascinant.
Et quand commence le jeu, tout s'enchaine très vite. Les rebondissements. La traque. La fuite. Jusqu'à la dernière péripétie, et jusqu'au dénouement final. Même si Ben Richards fait un peu figure d'anti héros, on s'identifie pleinement à lui. Dénouement final d'ailleurs excellent, j'ai adoré l'avant dernière page du livre et la description de King est juste exceptionnelle, j'avais un sourire très amer sur le visage. Mais alors très amer. La fin rappelera à certains un évènement marquant de ces quinze dernières années (Avant gardiste on vous dit).
Roman d'anticipation nous annonçant le pire monde qui pourrait exister. Stephen King poursuit sa lancée après avoir publié Marche ou crève en 1979, il nous fait part de Running man 3 ans après (Ce sont les dates de publications, il aurait écrit ses romans étant plus jeune encore) . Les deux oeuvres se rapprochant sur plusieurs points notamment avec l'emploi de la téléréalité. Voir ma critique sur Marche ou crève ici.
Mais, à la différence de Marche ou crève où la Longue Marche est vraiment centrale, King nous présente de manière détaillée la société dans lequel vit Ben Richards. Une société démagogique, intolérante et dans laquelle il n'existe qu'un média unique. Et donc une pensée unique. Un média qui sert de propagande donc. Un peu à l'instar de 1984 de Georges Orwell (Avec le télécran en guise de Libertel)
Et on se prend à hair profondément cette société. Et c'est pour cela que l'on souhaite que Richards gagne, car il représente l'antithèse de la bourgeoisie intolérante et manipulée. Il représente la lutte d'un peuple inconscient de sa manipulation contre une dictature. Il représente les rejetés du système. Il cristallise toutes les inégalités sociales présentes dans le monde décrit par King et en ce sens on se passionne littérallement pour son sort. Et c'est ça qui m'a le plus plu ici et qui fait de ce livre un excellent roman (mais vraiment excellent hein). On flambe pour Ben Richards.
Trop de choses à dire sur ce livre. Sur l'utilisation de jeux morbides et cruels afin d'endormir et de manipuler l'opinion (à l'instar de Marche ou crève), sur la dénonciation d'un système de santé très défectueux et inégalitaire et d'un monde pollué (toute ressemblance avec la société actuelle serait purement fortuite).. Et j'en passe.
Quelques passages du livre que j'ai bien aimé - ils ne sont pas forcément représentatifs du style de l'auteur évidemment :
"- Pas de pot. Désolé de ne pouvoir vous aider à me tuer. Vous voulez que je vous donne un mot certifiant que vous m'avez pris?
- Vous feriez ça? Bon dieu ce serait vraiment..."
"Dis donc Jake, tu connais ça, Nagez avec les crocos? Ca me dit pas du tout" (Un participant qui vient d'apprendre sa participation à une émission un peu spéciale)
'Le gouvernement n'ignorait pas que le vice et les perversions sexuelles constitueraient le meilleur rempart contre les tendances révolutionnaires'