La ferme des animaux [Georges Orwell]
Lu à l'occasion du RAT organisé ce week end, La richesse de ce livre contraste avec le faible nombre de pages (151).A lire et à relire, donc.
Quatrième de couverture :
Un certain 21 juin eut lieu en Angleterre la révolte des animaux. Les cochons dirigent le nouveau régime. Snowball et Napoléon, cochons en chef, affichent un règlement : " Tout ce qui est sur deux jambes est un ennemi. Tout ce qui est sur quatre jambes ou possède des ailes est un ami. Aucun animal ne portera de vêtements. Aucun animal ne dormira dans un lit. Aucun animal ne boira d'alcool. Aucun animal ne tuera un autre animal. Tous les animaux sont égaux. " Le temps passe. La pluie efface les commandements. L'âne, un cynique, arrive encore à déchiffrer : " Tous les animaux sont égaux, mais (il semble que cela ait été rajouté) il y en a qui le sont plus que d'autres.
Mon avis :
Voila un des meilleurs livres que j'ai eu la chance de lire cette année. Une fable politique avec un style simple, clair et concis. Ce livre est clairement à mettre dans toutes les mains.
« Animal farm est le premier livre dans lequel j'ai essayé, en ayant pleinement conscience de ce que je faisais, de fusionner en un tout le but artistique et le but politique » (George Orwell /Pourquoi j'écris)
L'histoire est assez simple. Les animaux de la Ferme du Manoir dirigée par un humain (quand même), M.Jones, se rebellent suite à un discours du cochon Sage l'Ancien - qui aurait fait un rêve dans lequel il voyait les animaux se libérer du joug des fermiers et devenirs autonomes et indépendants - qui passera l'arme à gauche (j'adore cette expression) quelques temps après son discours. Les animaux vont donc renverser la répartition du pouvoir dans la ferme et chasser ni plus ni moins le fermier. La ferme deviendra alors 'La ferme des animaux'.
Les animaux contrôlent donc la ferme. Mais comment faire la faire tourner de manière optimale? Comment s'organiser? Quel type de société faut il adopter?
On va donc assister à l'organisation politique et sociétale de la ferme par les animaux la composant. Chaque animal ayant d'ailleurs sa spécificité.
Tout commence bien avec la tentative d'instauration d'un régime plutôt démocratique. Je dis bien tentative car l'on va voir que les cochons vont vite instaurer - en douce néanmoins - un régime totalitaire tout en endormissant le reste de la ferme. Evidemment.
1) Le style du livre est tout simplement excellent. Orwell écrit simplement et le fait que cette fable ait été publiée en 1945 ne change absolument rien à son accessibilité. Ce livre a très bien vieilli. Un style également ironique et cynique, voir fantaisiste (une histoire d'animaux qui se constituent en société politique quand même). C'est très plaisant et la lecture se fait de manière forte agréable. Une aubaine lorsqu'il est 3H du matin et que vous êtes en fin de RAT.
D'ailleurs certains passages sont émouvants. D'autres procurent même des sentiments de révolte et d'injustice. La fin est également bien écrite même si pessimiste. J'ai vraiment été beaucoup touché par ce livre et par le style d'Orwell, une pure merveille.
2) Ce livre est évidemment une critique du système totalitaire russe instauré par Staline suite aux révolutions de 1917. Sans entrer dans des considérations historiques approfondies, chaque animal fait référence à un personnage de l'histoire de cette période. Pour beaucoup le personnage prophétique de Sage l'Ancien (le cochon qui a fait un rêve d'une société meilleure !) fait référence à Lénine, mais j'y vois personellement plus une référence à Karl Marx et subsidiairiement aux autres théoriciens du communistes notamment Engels.
Pourquoi une critique du système totalitaire russe? A travers sa fable, Orwell - qui était fondamentalement opposé au système soviétique - dénonce notamment le culte de la personnalité de Napoléon, un cochon qui dirigera assez vite La Ferme. Le culte de la personnalité se retrouvant de manière prépondérante dans le régime stalinien - et dans nombre de régimes dictatoriaux et fascistes.
Prenons également la propagande et la manipulation de l'opinion effectuée par les cochons auprès des autres animaux - les cochons rappelant alors la nomenklatura russe - et le style simple adopté par Orwell met encore plus en perspective la propagande des cochons, la naiveté des autres animaux étant comique et touchante. Mëme si objectivement triste.
Citons également l'utilisation de l'armée (en l'occurence, des chiens) pour prendre le pouvoir.
Notons qu'Orwell ne critique pas la doctrine communiste de Marx en tant que telle, mais l'utilisation qui en a été faite par Staline (et qui diffère sur bien des points de la pensée Marxiste)
3) Mais ce livre est plus profondément une critique des régimes dictatoriaux et nous fait part de la vision très pessimiste qu'a Orwell de la politique et du monde (c'est du moins mon interprétation). En effet, même si la satire du système Stalinien est flagrante et évidente, ce livre a un champ d'application bien plus large et nous donne presque une vision pessimiste du monde. Cette vision pessimiste se retrouvant d'ailleurs sous une autre forme dans 1984.
Une chose très marquante dans le livre et que dénonce parfaitement Orwell, c'est l'éducation. Ou du moins le manque d'éducation du peuple qui permet aux dirigeants politiques de manipuler l'opinion.
Le manque d'éducation du peuple est une critique reprise maintes et maintes fois par les théoriciens politiques du XIXe siècle et notamment les libéraux. Citons Alexis de Tocqueville qui critiquait la démocratie du fait du manque d'éducation du peuple. Ceci provoquant un nivellement par le bas de la société. Tocqueville pointant du doigt la nécessité d'éduquer le peuple (et de lui permettre d'accèder à la liberté) avant d'envisager une structure politique démocratique et égalitaire.
Même si Orwell ne va pas aussi loin que Tocqueville, il pointe du doigt les dirigeants politiques profitant du manque d'éducation de la majorité du peuple, ce qui permet une domination aisée de la part de la classe instruite dirigeante. Les cochons se gardant bien d'instruire optimalement les autres animaux.
Une autre chose plutôt marquante est la manipulation de l'Histoire effectuée ici par les cochons, qui contribue également à assurer une mainmise sur les autres animaux. Plus le temps passe et plus l'histoire est modifiée - toujours dans un but de propagande. A noter une scène tout simplement géniale où les autres animaux retrouvent la nuit un cochon les quatres fers en l'air devant le portail. Celui ci étant en effet en train de modifier (au pinceau s'il vous plaît) les lois de la ferme. Ni vu ni connu.
Orwell dresse une vision pessimiste du monde - un monde dans lequel l'espoir et les bonnes intentions seraient dans tout les cas réduits à néant par la volonté de diriger de certains. Un monde dans lequel aucune utopie ne serait envisageable. Ceci est évidemment une interprétation personelle et peut être un peu trop négative du livre d'Orwell.
Pour conclure, vous devez lire ce livre. Un livre qui se lit très vite, facile d'accès, drôle et qui a un but politique et philosophique. La mise en scène d'animaux est vraiment intéréssante et c'est presque un conte qu'Orwell a écrit. La fin laisse un goût amer et m'a assez ému. Comment ne pas se prendre d'affection pour tout ses animaux? L'utilisation d'animaux par l'auteur est une excellente idée et un excellent moyen de faire passer un message. Bravo.
Ce livre est tout simplement renversant. C'est le mot le plus adéquat, je crois.
Orwell qui s'est d'ailleurs plaint de la censure qu'a connu ce livre en 1945...en Grande-Bretagne.